Il fit de son mieux pour reculer l’échéance un maximum mais il fallait se rendre à l’évidence, il ne pouvait continuer à payer le loyer de l’appartement indéfiniment et ce parce qu’il n’avait pas le courage d’affronter la vérité en face. Sa mère était morte, partie depuis près d’un mois maintenant et cette simple idée peinait à faire son bonhomme de chemin dans son esprit. Comment cela avait-il pu arriver ? Sans qu’il ne soit auprès d’elle jusqu’à son dernier soupir ? Il se faisait l’effet d’être un putain de fils indigne, après tout ce qu’elle avait fait pour lui, c’était toute la reconnaissance qu’il avait, l’abandonner dans un moment critique. Entre le club et sa mère, il avait choisi et il avait l’impression que ça avait été le mauvais choix à faire. Pourtant ce n’était pas de cette manière qu’il avait été élevé mais depuis l’époque où il traînait dans les rues son bandana sur le crâne et un flingue dans le froc, l’eau avait coulé sous les ponts, il avait grandi et revu l’ordre de ses priorités. S’il était parvenu à la convaincre, elle aurait fini par venir vivre avec lui dans cette magnifique maison dans laquelle il avait investi pour elle, c’était le rêve de sa mère et certainement pas le sien et pourtant, elle avait toujours catégoriquement refusé. Si elle avait fini par accepter le fait que son fils ne gagne pas sa vie en vendant des assurances ou bien en défendant les gens lors de procès médiatisés, elle ne voulait aucunement profiter de l’argent entaché de sang qu’il dépensait sans compter quand cela la concernait. Du moins pas de cette manière-là. Elle n’avait tout bonnement pas pu résister au regard de Carlos quand celui-ci l’avait quasiment supplié d’accepter qu’il lui offre ses soins et prenne en charge toutes ses dépenses jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de s’assumer de nouveau seule, ce qui n’arrive malheureusement pas. Ca faisait donc un mois, depuis l’enterrement de sa défunte mère, qu’il esquivait les fêtes du club ainsi que les repas dominicaux en compagnie de la Old Lady et de ses frères d’armes. La peine, chez les mexicains, ne se partageait pas quand on était un homme, on se contentait de l’enfouir profondément en espérant qu’elle finisse par disparaitre sous des soucis qui réquisitionnaient toute notre attention sur le moment. Cela n’empêchait pourtant pas ses frères de venir le voir quand il ne montrait pas le bout de son nez pendant trop longtemps, ils se pointaient généralement à 5 ou 6, les bras chargés d’alcool et d’herbe et ils se posaient tous devant un match de football, discutant de tout et de rien et faisant le point sur les missions à accomplir. Mais ce qui les inquiétait surtout n’était pas le fait qu’il ne vienne plus aux fêtes lui qui était pourtant le plus gros fêtard que la terre n’ait jamais portée, pas plus que ses apparitions brèves au garage pour prendre ses ordres ou bien assister aux réunions, non ce qui les choquait tous c’était le fait qu’il avait complètement perdu le goût des femmes. Comme tout célibataire endurci qui se respecte, il n’avait jamais la même fille deux soirs de suite dans son lit. Seulement depuis le décès de sa mère, il n’en invitait plus aucune, se désintéressant presque complètement de la chose alors que quelques semaines plus tôt, cela était un pan important de sa vie. Il n’avait tout simplement pas le cœur à ça et préférait attendre de reprendre ses esprits avant de faire entrer une gonzesse dans son intimité. Il voulait être parfaitement maître de lui et on ne pouvait pas lui en vouloir.
Après une conversation téléphonique plutôt animée avec Rosa, il fut décidé qu’il devrait aller vider l’appartement de sa mère pour que celui-ci soit libéré pour de bon. Il était clair qu’il ne pouvait pas entreprendre le voyage jusqu’au Texas tout seul et surtout pas déménager l’histoire d’une vie armé seulement de ses deux bras. Ce fut donc une évidence pour lui de demander à Duncan de lui prêter main forte, il savait que celui-ci ne lui refuserait pas. Ainsi ils se retrouvèrent donc à Houston, accompagnés de deux prospects pour l’occasion. Il arrêta le mini van devant l’immeuble dans lequel il avait grandi, marqua un petit moment de silence pour finalement s’extraire de l’habitacle, ce n’était pas le moment de faire la gonzesse, il y avait des choses à régler et il avait assez pleuré les morts pour les dix prochaines années. Rosa l’attendait au bas de l’immeuble, vêtue comme si elle était prête à tapiner et le regard qu’il lui lança fut visiblement clair puisqu’elle poussa un soupir d’agacement et lui envoya les clés pour disparaitre. Qu’elle ait pris soin de sa mère au pire moment ne changeait rien, il ne lui pardonnerait jamais ce qu’elle lui avait fait et encore moins son mariage avec un mec du gang. Le simple fait d’y penser lui donnait envie de la descendre, elle et son connard de mari plein aux as. Il gravit les 5 étages à pieds en quelques minutes, suivi de près par Duncan et plutôt difficilement par les prospects. Une fois dans l’appartement, il fit un dernier tour du propriétaire, passant dans sa chambre et constatant qu’elle n’avait pas changé depuis qu’il avait décidé de voler de ses propres ailes. Mais le plus dur fut de pénétrer dans sa chambre et de voir toutes les photos d’eux accrochées aux murs. Il lui fallut pas moins des trois minutes pour trouver la force de bouger et de rejoindre les autres qui s’activaient déjà.
« Je vais m’occuper de la chambre de ma mère, vous n’avez qu’à emballer toutes les photos et autres bibelots, le secours populaire viendra se charger du reste. » leur dit-il avant de retourner s’affairer dans la chambre
Il comptait tout garder, crucifix, photos, cartes mais pour les vêtements, il préférait que cela serve aux autres et en toute objectivité, il aurait été ridicule de s’encombrer de ce genre de choses. Il en avait terminé avec ce qu’il souhaitait garder quand des coups de feu retentirent dans le salon. Son sang ne fit qu’un tour et malgré lui, il lâcha le carton qu’il tenait fermement pour se précipiter à côté et faire face à ses anciens compagnons de galère menaçant ses frères de leurs flingues.
« Les mecs, on va se calmer et ranger ça avant que quelqu’un ne soit réellement blessé ! »
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